dimanche 20 mai 2012

Book Of Days (1988)

«We liked each other very much. She's a lovely spirit». C'est de Björk dont il s'agit. Quel meilleur moyen que de reprendre un titre de son artiste favoris pour attirer son attention et ainsi se lier d'amitié avec elle? «Gotham Lullaby» est la reprise qui sera le point de départ de l'affection réciproque entre l'artiste islandaise et cette grande compositrice et interprète qu'est Meredith Monk. Oui car «Musical America», le plus vieux magazine américain consacré à la musique classique ne s'y trompe pas, en nommant en 2012 cette dernière «Composer of the Year». Le travail de Meredith mêle les disciplines que sont la musique, la danse et le théâtre mais c'est avant tout pour ses techniques de voix étendus qu'elle est considérée comme exceptionnelle : chuchotements, cris, sanglots, grognements, chant diphonique sont matières premières pour raconter des émotions que le langage commun se bute à représenter. Issue de la vague minimaliste dont elle refuse l’appellation, telle un lisser, elle tisse une instrumentation répétitive sur laquelle elle peut «sauter, s'envoler» et faire disposer à sa voix de tout l'espace possible.


La carrière de près d'un demi-siècle de Meredith Monk est source d'émerveillement. Attardons nous juste sur Book Of Days (1988). C'est pendant l'été 1984 qu'elle sera visitée par la vision noire et blanc d'une jeune fille, viens ensuite une rue médiévale d'un quartier juif... Cette étrange rêverie se verra concrétisée sous la forme d'«un film pour les oreilles» dont les les chansons seront publiés par la suite sur un album en 1990. Dans ce petit village médiéval, il y ait fait l'objet de Chrétiens habillés en blanc, de Juifs vêtus de noir. La peste s’abat sur les deux communautés, les Juifs sont blâmés. C'est dans ce contexte historique qu'une jeune fille Juive aura des visions d'une autre époque, identifiables comme un avion, un pistolet et une voiture... Outre, on s'en doute, l'aspect très conceptuelle de la mise en scène puis la photographie travaillée avec soin, c'est la musique qui est avant tout mise au premier plan.

Le film s'ouvre sur l’intrigante ruelle médiévale et le titre Dawn, tous deux d'une obscure beauté. Le film est ensuite ponctuée d'interview de différents personnages qui participent activement à l'histoire ou non. Ces entretiens avec les protagonistes sont fascinants car les questions sont posées sans soucis de temporalité : on ne sera pas choqué de découvrir que le soldat ne connait pas son âge. Le conteur esquisse un sourire moqueur quand on lui demande s'il sait nager. Ou encore il y a l'incrédulité du médecin quand on le sollicite sur comment soigner le stress. Ces passages sont d'une humanité déconcertante car ils jettent des ponts entre les époques ; ils nous offrent la chance de s'approcher au plus près de ce qu'était l'homme en son temps. Le film brouille les pistes en proposant aussi danse et théâtre ; coup de coeur pour cette chorégraphie démente. Le film est accessible en intégralité sur Youtube.

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