vendredi 27 juillet 2012

Objectif Ahun

Équipé du I-Téléphone de la marque Appel, le jeune homme à la tête d'oie partait avec un avantage décisif. Et oui, le dispositif de téléphonie mobile via son service de vente centralisée à 99c communément appelé Appel Chtore proposait le must have de la camelote : «RunKeeper». Un outil perfectionné qui aussi vite que la lumière du son calcule en temps réel la position du bonhomme sur la carte pour en restituer un joli compte rendu quand se fut eu fini. Le jeune homme grattait sa tête d'oie non pas parce que ces explications ne le satisfaisait pas mais parce qu'elle grattait vraiment. En même temps, il y avait beaucoup plus grave : la pression des pneus. Cette dernière était inacceptable, il se mit donc furieusement à pomper même s'il ne se passait rien de peur qu'il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas. Il ne se passa finalement rien qui fit vaciller la détermination de l'animal ; son regard de bayte était comme un puits sans fond que quiconque s'y serait plongé en resterait tremper jusqu'aux os jusqu'à la mort! Le jeune homme posa ses mains d'être humain sur le guidon (avant de dire à sa maman qu'il allait faire un tour mais qu'il reviendrait pour le goûter), ses pieds d'être humain sur le pédalier, et la tête d'oie poussa un cri déchirant qui fit trembler la plaine de la Creuse. «Go Ahun!» pouvait-on entendre de La Saunière à Ahun en passant par St-Yrieix-les-Bois mais en revenant par St-Hilaire-la-Plaine.


«Samsung PL81» en mode automatique, telle était la configuration complexe que le jeune homme à la tête d'oie avait mis en place pour immortaliser les premiers pas de son périple. Redimensionnement, retouche de contraste, de luminosité, de teinte et correction gamma (aucune idée de ce que ça fait) pour retranscrire avec sincérité ce que ses yeux d'oie ne pouvaient persister éternellement. L'église de La Saunière et le Château du  Théret, des jalons inévitables de cette grande épopée!



La trace du passage de l'homme moderne (ou de l'oie moderne) s'amenuisant au fil de son parcours, le jeune homme à la tête d'oie s’appropria de nouveaux repères l'aidant à progresser. Le paysage de bocage, la forêt à perte de vue, les rangés d'arbres cerclant ces routes de campagnes sinueuses, autant d’éléments que notre jeune héros s'empressera de partager à son retour. Les routes qui résolument ne font que monter sans jamais redescendre, un souvenir nébuleux dont il ne sait vraiment s'il a existé tant le soleil était splendide.  



La tête d'oie n'en croyait pas ses yeux après une durée qu'il n'évalua pas tant la médiocrité de la performance lui ferait honte : Ahun! Il arpenta la rue principale avec une joie non dissimulée, multipliant les prises de vue et ainsi tentant de faire honneur à cette bourgade typique de l'architecture Creusoise. En s'aventurant guidé par la signalisation routière, il déboucha sur le plan d'eau dont il fit le tour pour démentir l'idée qu'il s'était fait de ce mirage éphémère tout droit sorti de son imagination féconde!





Le retour par la nationale fut l'enfer sur Terre. Ce vent chaud et sec qui balayait son bec de droite à gauche, le vélo tout terrain qui déraillera par deux fois en plus d'être définitivement pas adapté pour cette route droite qui n'en finissait pas. Et cette soif, accablante. Une traversée du désert où l'esprit s’égare en conjecture quant à cette limite incertaine où il basculera dans un ailleurs. Les caravanes, les voitures, les caravanes de voiture qui le dépassent continuellement. «Du gâteau!» Une part en l’occurrence avec la bière du héros, mon dieu, qu'est-ce que ça fait du bien d'être à la maison pour l'heure du goûter!

samedi 21 juillet 2012

True Trush

Dan Deacon est un compositeur/performer totalement délirant de musique électronique provenant de Baltimore. En évoquant Baltimore, tout est dit. Cette ville du Maryland est source d'une effervescence créative hors norme qui peut tout expliquer : Edgar Allan Poe et son Corbeau, John Waters et sa Divine, j'ai une pensée aussi pour les tarés de chez Animal Collective... Bref, Dan Deacon lui aussi est atteint par cette folie contagieuse qui va faire imploser ton cerveau. Mais c'est surtout pendant ses live que derrière son fatras de pédales à effets, jouets d'enfants et bidouilles électroniques que la messe est dite. En plus de faire danser les techno-geek hallucinés que nous sommes, toujours avec l'idée de surprendre, ses shows sont l'occasion d'impliquer le public dans une spirale de mini-jeux qui dans la bonne humeur tournent souvent au gros n'importe quoi.


En attendant son nouvel album «America» qui doit sortir le 27 août prochain, c'est un clip complètement déjanté qu'il nous propose. La vidéo de «True Trush» se base sur le principe du «téléphone arabe» mais en beaucoup plus fou-fou! En effet Dan Deacon et son pote Ben O'Brien ont décidé de tourner une courte séquence de 13 secondes. La vidéo est ensuite montré une fois à une autre équipe de deux personnes (provenant de la scène artistique de Baltimore). La nouvelle équipe a une heure pour recréer la séquence, impliquant le décors, les costumes et les actions des personnages. Tant d'éléments à mémoriser que lors du passage de la 19ème équipe qui se base sur le travail de la 18ème, on est loin du compte! Et dans toute sa splendeur, ça vire à un joyeux n'importe quoi! 

Dan Deacon - True Trush

mardi 17 juillet 2012

Le mec de QWOP

Je l'ai regardé, il m'a regardé, on s'est regardés. QWOP, j'ai rencontré le mec de QWOP. Bennett Foddy, de son nom, philosophe à l'Université d'Oxford le jour, écrit sur les questions morales que peuvent entraîner l’usage des nouvelles technologies et entre autres l'addiction qui peut en découler. Mais la nuit, dans un élan de procrastination vis à vis de sa profession diurne, il se change en vil créateur de jeux vidéos qui vont pourrir ta vie! En effet, avec QWOP, son jeu le plus plébiscité négativement et encensé par de multiples mails de haine, le joueur que tu es devient vite névrosé. Le principe est pourtant simple ; on incarne un athlète qui court le 100m. Cependant Bennett a fait en sorte que l'action la plus évidente pour nous tous requiert un apprentissage : la capacité de marcher. En tapant rageusement sur les quatre touches Q, W, O et P contrôlant une cuisse ou un mollet du sprinteur, on se laisse aller à effectuer toutes sortes de joyeuses cabrioles voire même de parcourir une distance négative... Face à l'euphémisme qui voudrait que le jeu soit un peu dur, une communauté s'est créée au travers d'un mème, les uns vont rager, tandis que les autres vont se moquer du grotesque des positions désarticulées que peut prendre l'athlète. Bennett n'est pas à son coup d'essai ; on retiendra GIRP nominé à l'IGF 2012, la frustration moindre mais tout autant addictif.


C'est qu'en fait Bennett, en plus de tous ses vices, est aussi un ancien membre fondateur du groupe de rock Cut Copy où il officiait en tant que bassiste. Leur dernier album Zonoscope sorti en 2011 a eu une bonne réception par les critiques. On notera au passage que la pochette de l'album reprend un photomontage de  l'artiste japonais Tsunehisa Kimura qui fait figurer dans son travail des scènes d’apocalypse urbaine totalement surréalistes. Donc Bennett, dans l'optique de faire rager ses anciens camarades du groupe, a décidé d'éditer un mini-jeu visuellement très rose incluant le titre le plus long (15min) de leur dernier album : Sun God. Pas aussi «méchant» que ses autres jeux comme il le dit lui même, l'idée consiste juste à expérimenter la chanson d'une manière plus immersive. Pour se faire, il va falloir apprivoisé le gameplay assez simple où il suffit de faire sauter un personnage puis presser de nouveau la même touche pour qu'il tire sur la corde entraînant le second personnage vers l'avant qui a son tour entraînera le premier dans un mouvement d'inertie qui se répétera inlassablement. Le rythme ainsi maîtrisé, on pourra flotter tout du long de la chanson, sans escale pour les plus habiles. Pris dans la répétition du gameplay, les décors roses qu'on distinguent de moins en moins et la musique qui se fait de plus en plus deep, l'expérience est totalement psychédélique au point que le but est atteint : on fait corps avec la chanson. Le jeu est disponible sur le site de Pitchfork.

mercredi 4 juillet 2012

Punkryden Mixtape : June 2012



Me voila enfin prisonnier de mon propre concept. Le moment où tu dois sortir tout l'attirail de chasse pour débusquer la bonne chanson alors qu'elle ne vient plus à toi naturellement. Dans l'idée de punir l'auditeur de cette déchéance qu'il m'en coûte et parce que la sélection de Janvier n'a pas rencontré le franc succès tant espéré, oui je suis rancunier, le Blob revient vous ingérer tous autant que vous êtes! Otto Von Schirach ouvre donc le bal blanc avec son break core tout autant horrifique que horripilant. Attention, ça rampe dans ta direction! La mort par asphyxie n'étant pas suffisante, c'est Sol Invictus et sa dark folk à t'arracher les tripes qui continue à s'acharner sur ton petit corps désarticulé. En plus de ruiner ta dernière chance de salut avec son «No Gods», reste un titre dépressif un peu baroque un peu britannique qui crache son dernier souffle avec un panache non dénué d'élégance. C'est pas le moment de fuir, sauf si c'est avec le dernier titre de Yoann Lemoine connu sous le nom de scène de Woodkid. Le jeune homme qui réalise Katy Perry, qui monte Lana Del Rey, ici c'est lui même qu'il se vidéo-clip ; la mise en image de la chanson est grandiose. Le prochain titre est de Gareth Dickson ; on ne peut plus poisseux, parti rejoindre sa bien-aimée au Mexique, il s'y fait mordre par un chien, évitera par miracle la mort suite à une fusillade avant que son avion prenne feu et ait failli se crasher. Le mauvaise oeil tombera maintenant sur toi qui écoute le song-writter. Nico Muhli lui te diagnostique Alzheimer ; le jeune prodige construit une polyphonie vertigineuse de mots qu'il a sondé au fin fond de sa mémoire, l'ouvrage étant souligné par une orchestration classique virtuose. Camille et son improbable reprise de Johnny Halliday vient te faire rougir de honte quand tu découvres que les paroles ainsi réinterprétées sont assez charmantes en fin de compte. Qu'est-ce que tu te remues encore, petit agité? Death Grips assène un sacré coup de massue avec son hip-hop rugeux et corrosif qui va calmer tes ardeurs une bonne fois pour toutes. On ne peut plus Clément, c'est le titre de Julia Holter que j'ai choisi pour apaiser ta peine. La jolie californienne délivre une pop un peu désaxée qu'on me reprochera pas de comparer à celle de la tentatrice Natasha Khan. Huun-Huur-Tu, groupe de musique folklorique originaire de Touva, république russe coincée entre la Sibérie et la Mongolie signe ton exil et propose depuis 1992 la mise en avant de leur pratique du khöömei autrement appelé chant diaphonique. Suivra un titre instrumental pour continuer à s'imprégner de leur culture qui sera bientôt définitivement la tienne. On termine donc avec Joris Delacroix et un titre de minimale qui se veut euphorisant car oui si tu en es arrivé là, je te félicite, je te récompense. Ce choix ayant été fait exceptionnellement par mon homonyme auquel j'ai attribué le numéro 2 pour éviter toute confusion avec ma personne. Merci à toi numéro 2. Conclusion  : la glace à l'orange n'est pas aussi tip top tree qu'espérée.

1. Otto Von Schirach - The Blob
2. Sol Invictus - No Gods
3. Woodkid - Run Boy Run
4. Gareth Dickson - Nunca Jamas
5. Nico Muhly - Mothertongue I:Archive
6. Camille - Que Je T'aime
7. Death Grips - Hacker
8. Julia Holter - Our Sorrows
9. Huun-Huur-Tu - Chylandyk & Daglarim
10. Joris Delacroix - She