mercredi 12 décembre 2012

Grève du sexe

Qu'on se le dise, c'est tout à fait vilain vilain, pour moi. On peut aisément dire que ce genre de pratique a existé de manière privée en tout temps dès lors que la conjointe contrariée a un message à faire passer ou pas. Faire la ceinture peut faire ses preuves, les doléances ainsi être vraiment écoutées, la vaisselle propre. Cependant, la chose prend une ampleur différente quand l'action est collective. Les exemples pleuvent dans l'actualité ces dernières années ; au plus proche de chez nous il y a celui de la sénatrice flamande Marleen Temmerman. «Pas d'débats, pas d'ébats», un mode d'ordre qui tenait en fait de la blague et avant tout d'un bon moyen pour retenir l'attention des médias sur l'impasse politique. Au Liberia, en 2003, exemple autrement plus poignant, les femmes du mouvement Mass Action For Peace, dans la même démarche ont réussis à se faire entendre à force de manifestations. Libérant ainsi le pays de quatorze années de guerre civile et hissant dans la foulée, Ellen Johnson Sirleaf, une femme au rang de président. Cette histoire est d'ailleurs relatée dans le très récompensé documentaire de 2008 «Pray The Devil Back To Hell». 


Sans l'appui des médias, la grève du sexe peut se suffire à elle même si les revendications sont précises et réalistes, si les femmes sont en nombre dans la communauté. En 2011, après quatre mois de grève, presque trois cents femmes de la ville colombienne Barbacoas ont réussis à ce que le gouvernement se décide à paver un tronçon de route reliant la ville la plus proche. La même année, dans nos salles obscures, le film «La Source Des Femmes» reprend à l'identique cette thématique néanmoins desservie par un manichéisme un peu caricatural. Quelque part dans un village au Maghreb, la tradition dicte que les femmes apportent l'eau au village. Après avoir parcourues sous un soleil de plomb un chemin de montagne périlleux, elles trouvent l'eau à la source. Face à la passivité des hommes qui considèrent que les choses ont toujours été comme ça, Leila, jeune mariée, décide de protester avec les femmes du village par l'abstinence. Cela cessera quand des travaux seront faits pour acheminer l'eau jusqu'au au village. Entre pression communautaire, montée du fondamentalisme religieux, place de la femme dans la société, vont-elles avoir gain de cause ? Cela ne serait t'il pas la porte ouverte à d'autres caprices telles que la machine à laver ?


Pas de bras, pas de chocolat durant une semaine aux Philippines en 2011 pour cesser les conflits entre deux villages. Chambre à part en 2008 pour les Napolitains jusqu'à que des dispositifs de prévention des dangers des feux d'artifices du nouvel an soit mis en place. A la niche en 2013 car pas de petit déjeuner au lit ? Derrière toutes ces faits, il y a une femme, «celle qui délie l'armée» : Lysistrata. Personnage de la comédie grecque éponyme écrite par Aristophane en 411 av. J.-C, elle convainc les femmes d'Athènes et des autres villes environnantes de se refuser à leur mari. Une grève totale du sexe sera poursuivie jusqu'à qu'un terme soit mis à la guerre du Péloponnèse. Cette pièce jouée (uniquement par des hommes durant une festivité consacrée à Dionysos) vient apporter très tôt pour l'époque des éléments de réflexions sur les relations entre les genres dans une société dominée principalement par le sexe masculin. C'est sans rappeler que les femmes d'Athènes n'avaient ni droit juridique ni politique soumises perpétuellement à un tuteur (père puis mari) et étaient confinées dans le foyer (et encore, dans le gynécée). La matière de la pièce Lysistrata étant toujours d'actualité, des ré-écritures, ré-interprétations de la pièce existent pour toucher un public plus contemporain. Entre classicisme et truculence en passant par le mauvais goût mais tout en conservant  un aspect comique et  subversif, chacune des interprétations ont en commun cette universalité qui se dégageait déjà de la pièce d'origine.

Aucun commentaire: