dimanche 9 juin 2013

Ogata Kenzan, potier-ermite

Ogata Kenzan, né Ogata Shinsei, est un artiste. Par artiste, on peut entendre exécutant ayant acquis un savoir-faire et dont l'oeuvre dénote d'une certaine créativité. Mais pour Kenzan, la définition serait incomplète. Ce serait éluder l'homme, l'esthète et sa manière d'être, l'artiste — sensible — poète. Céramiste japonais du début du 18ème siècle, il est connu avant tout pour avoir donné un souffle inédit à la poterie en y conciliant en plus la peinture et la calligraphie. En total contraste avec la quête de perfection de la porcelaine d'Arita en vogue à l'époque, son travail invoque le goût typiquement Japonais d'une esthétique plutôt fondée sur le rustique. Prédisposition déjà ancrée deux-cents ans plus tôt dans la cérémonie du thé avec l'invention du raku, technique visant à concevoir des bols à l'aspect sobre et grossier. Kenzan innove mais se réclame quand même de figures qui l'ont précédés ; son arrière grand oncle Hon'ami Koetsu d'abord pour la poterie et la calligraphie. Son frère ensuite, Ogata Korin, peintre déjà illustre qui ressuscite et affirme le style de Tawaraya Sotatsu instaurateur de l'école Rimpa, style qui représente le monde de façon intimiste et épuré par opposition à l'école Kano ou Tosa beaucoup plus ornés et sophistiqués.


Ogata Kenzan ne s'autoproclame pas à 25 ans Ogata Shinsei par hasard. Signifiant littéralement contemplation profonde, il est de nature à l'introspection. Au point d'adopter à la mort de son père le mode de vie d'un moine zen ; il vivra dix ans en solitaire dans l'ermitage qu'il se fera bâtir où il se consacrera à l'apprentissage du zen avec grande application. Ce gout de se mettre en retrait n'est pas anodin ; son frère aîné Ogata Korin brille déjà de part sa contribution à l'art noble de la peinture. Malgré une bonne éducation reçue dans une famille qui avait les moyens, c'est sans doute de façon délibérée qu'à 36 ans, Kenzan décide de devenir simple potier. C'est à Narutaki, sur une colline au nord-ouest de Kyoto (d'où il tire son nom : ken signifiant nord-ouest, zan, la colline), qu'il installe son premier four. Savoir si ses créations sont assez solides pour un usage fréquent semble guère l'inquiéter. Il se ruinera d'ailleurs avec le zèle qu'il mettra à rechercher des matières premières coûteuses. En tandem avec son frère Korin peignant les motifs, puis seul à sa mort assurant le travail d'illustration qui arbore ses céramiques, à Narutaki, comme au cœur de la ville de Kyoto puis à Edo, Kenzan devient le plus littéraire des potiers que le Japon pré-moderne ait connu.


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