mercredi 24 septembre 2014

Festival Ile de France [2]

Pour cette édition 2014, la thématique et cadre d'expression du Festival Ile-de-France étant «l'interdit», je lui ai fait mes hommages de la meilleure façon qu'il sied de le faire. C'est en toute logique que nonchalamment et sûr de mon bon droit, après 2h de bus en bonne compagnie en direction du prieuré de Saint-Loup-de-Naud, j'investis la zone du dehors. C'est que vibre dans l'air l'écho de cette ancienne conviction qu'il faille tout porter aux tavernes et aux filles. Dans cette euphorie bonne enfant, je me mélange avec l'orga, fais grande chère de ce qui n'est pas proposé aux festivaliers, taille le bout de gras par ci par là en backstage que ce soit avec les bénévoles, les artistes ou encore les cuistots. La supercherie s'arrête quand curieux de découvrir le magnifique presbytère, on m'assure que je n'ai rien à faire ici. Je retourne donc, saoul de transgression, parmi les miens. Voila donc pour «l'interdit».


Ce qui frappe avant de rejoindre la fraîcheur de la nef de l'église, c'est le portail. Massif, sculpté, les figures bibliques vous scrutent, les scènes christiques vous accablent de leurs poids. Et c'est l'Ensemble vocal de Caelis qui officie. Cinq voix de femmes cristallines pour une polyphonie qui s'exprime dans le dénuement a cappella. Le ton se veut pas très catholique : on est pas la pour la messe, les chanteuses se font mousser par tant de virtuosité ; les intervalles de notes dissonants invoquent le malin, le triton, ces trois tons successifs qu'il faut proscrire. Jonathan Bell, jeune compositeur, l'a bien assimilé et pousse dans sa pièce originale «De joy interdict» l'excès tout droit jusqu'au vice le plus extatique. Un brin étonnant reste son choix pour raconter la pièce que «La ballade des pendus» de l'ami François Villon, sachant que c'est précisément là où ce dernier s'abandonne, l’incorrigible vaurien qui appelle enfin à la rédemption.

Les interprétations réalisées puisent dans un répertoire anciens datant du 12ème siècle. Comme des pièces d'anonymes provenant de l'abbaye de St Martial de Limoges. Mais, on a beau dire, c'est  l'âme d'Hildegard von Bingen qui est invoquée ce soir. Religieuse bénédictine, nourrie à l'ergot de seigle, béatifiée au 13ème siècle, canonisée quelques années plus tard en 2012, Hildegard est une grande femme et ceci pour plusieurs raisons. Compositrice, femme de lettres, botaniste et prophète à ces heures perdues, la religieuse est une femme de poigne qui se bat pour ses convictions même au prix de se faire excommunier elle et son souvent pendant une année entière ! Plus de 77 symphonies à son actif, Hildergard touche à tout même au domaine comme les sciences considérées généralement comme réservées aux hommes. Mais c'est avant tout pour son «Scivias» qu'on l'a connait, ouvrage illustré de riches enluminures, où elle consigne ses visions. Hildegard, une vraie femme Barbara Gould.

Ensemble de Caelis
Hildegard von Bingen - O vis aeternitatis

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